02 février 2018
Pollution de l’air, comment être plus efficace ?
D’après la Commission européenne, la pollution de l’air est responsable de 400 000 décès prématurés par an sur le continent. La France, qui contrevient depuis des années à la directive sur la qualité de l’air, a été convoquée hier à Bruxelles comme huit autres pays. Elle est sommée de trouver des solutions, sans quoi la Cour de justice de l’Union européenne sera saisie.
Elargir le principe du pollueur-payeur
Guy Bergé : Président d’ATMO France (Fédération des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air)
Dans la lutte contre la pollution de l’air, il n’y a pas de recette miracle. Il faut une combinaison de mesures – réglementaires, fiscales, éducatives, etc. – pour être efficace. Cela étant dit, une fois ces mesures mises en œuvre, les résultats sont là. Un exemple : à Nancy, ville que je connais bien, la vitesse sur l’autoroute urbaine a été réduite de 110 km à 90 km/h. Non seulement cela a permis de réduire la pollution de l’air d’environ 15 %, mais la zone de dispersion des particules fines a été réduite de moitié. Tout l’enjeu est donc de multiplier les initiatives pour agir sur la pollution chronique – et pas seulement les pics.
Deux grandes sources de pollution posent problème, notamment dans les centres urbains : le trafic automobile et la combustion induite par le chauffage. À ces égards, on peut saluer l’action du gouvernement : prime à la conversion des véhicules, alignement progressif de la fiscalité sur l’essence et le diesel, incitations à la rénovation du bâti, via le crédit d’impôt, le chèque énergie, etc. Mais il faut aller plus loin en élargissant, par exemple, le principe du pollueur-payeur. Il faudrait qu’une part de la taxe sur les produits énergétiques, qui fait monter le prix à la pompe, soit affectée à la lutte contre la pollution de l’air. Car les moyens manquent aujourd’hui, notamment pour les collectivités locales qui souhaitent agir. Ces dernières ont à la fois besoin d’expertise – à cet égard, nos associations de surveillance de la qualité de l’air disposent d’une mine d’informations – et de soutien financier.
Là encore, une illustration : à Strasbourg, un travail d’urbanisme très fin a récemment été mené avec l’association locale pour l’aménagement d’un nouveau quartier, avec une nouvelle école maternelle. Cette dernière a été construite de manière à optimiser la qualité de l’air, en dépit d’une forte circulation automobile dans la zone. De fait, l’aménagement du territoire est une donnée clé. Combiné à des mesures incitatives – comme celles du gouvernement –, mais aussi dissuasives – à mon avis, la voiture pourrait être largement écartée des cœurs de ville –, il s’avère très efficace pour limiter l’exposition de la population aux polluants.
Dernier point essentiel : l’information. On le voit, les citoyens sont de plus en plus sensibles à ces questions mais pas toujours bien informés. La petite enfance peut être un vecteur majeur. Lorsque l’on place des boîtiers de mesure du CO2 dans les classes pour inciter le personnel à aérer les locaux, c’est très pédagogique pour les parents !
Passer d’une politique publique réparatrice à une politique préventive
Eric Piolle : Maire de Grenoble (EELV)
Dans l’agglomération grenobloise – un bassin de vie rassemblant 600 000 habitants faisant partie des 18 sites les plus pollués au niveau national –, il fallait intervenir rapidement. Une démarche en partie facilitée par la sensibilisation de la population qui, très concrètement, pouvait voir que sa ville était polluée quand elle allait à Chamrousse ou dans d’autres villages montagnards alentour. Dès 2015, nous avons mis en œuvre une prime air-bois pour les chauffages domestiques les moins efficaces afin de limiter l’émission de particules fines. En 2016, avec les communes du Grand Grenoble, nous avons construit un protocole de lutte contre la pollution de l’air due au trafic routier (émetteur d’oxydes d’azote) basé sur des mesures d’incitation et de restriction (création du système de vignettes Crit’Air en fonction du niveau de pollution du véhicule, interdiction des vieux véhicules intra muros en échange d’un accès au transport en commun gratuit toute la journée). Bref, un dispositif qui a très bien marché, au point qu’il a servi de modèle à l’échelle nationale. En 2017, on a mis sur pied, en centre-ville, une zone de circulation des livraisons au sein de laquelle la distribution des marchandises est mutualisée entre tous les acteurs. De plus, à Grenoble, nous avons la chance de disposer d’un service d’épidémiologie qui effectue régulièrement des études sur l’état de santé de nos concitoyens. Aujourd’hui, on considère qu’il y a encore un décès prématuré tous les trois jours (cancers, AVC, pathologies cardiovasculaires et respiratoires), mais les pics de particules, d’oxydes d’azote et de dioxyde de soufre tendent à baisser.
L’enjeu est aujourd’hui de passer d’une politique publique réparatrice à une politique préventive, de façon à ne plus mourir prématurément d’une maladie environnementale et pour que notre espérance de vie en bonne santé augmente. En termes de mobilité, de véhicules urbains non polluants, il y a encore beaucoup à faire. À Grenoble, nous allons bientôt installer des voies intercommunales à double sens réservées aux vélos, organiser du covoiturage et imposer des véhicules de livraison à motorisation électrique ou à hydrogène. Sans oublier l’auto-partage entre Grenoble et Lyon et entre Grenoble et Chambéry : si cela marche, nous devrions passer d’un taux de 1,04 passager par véhicule à 1,15 passager par véhicule. Ce qui ferait chuter le trafic de 10 %. Un gain d’énergie et, surtout, un gain sanitaire.
Source: https://www.la-croix.com/Journal/Pollution-lair-comment-etre-efficace-2018-01-31-1100910082
Auteur : Marine Lamoureux / Denis Sergent
Date de publication : 31.01.2018